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Article 1956

PUBLICATIONS

Nouvelles dispositions de l'article 710-1 du Code civil issu de la loi 2011-331 du 28/03/2011.
Conséquences et modalités d'application au sein des conservations des hypothèques.

L'article 9 de la loi n° 2011-331 de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées du 28 mars 2011 a introduit un nouveau titre V dans le livre II du code civil, intitulé " de la publicité foncière ".
Celui-ci contient un chapitre et un article unique : l'article 710-1 relatif à la forme authentique des actes publiables au fichier immobilier, ainsi rédigé :

" Tout acte ou droit doit, pour donner lieu aux formalités de publicité foncière, résulter d'un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France, d'une décision juridictionnelle ou d'un acte authentique émanant d'une autorité administrative.

Le dépôt au rang des minutes d'un notaire d'un acte sous seing privé, contresigné ou non, même avec reconnaissance d'écriture, ne peut donner lieu aux formalités de publicité foncière. Toutefois, même lorsqu'ils ne sont pas dressés en la forme authentique, les procès-verbaux des délibérations des assemblées générales préalables ou consécutives à l'apport de biens ou droits immobiliers à une société ou par une société ainsi que les procès-verbaux d'abornement peuvent être publiés au bureau des hypothèques à la condition d'être annexés à un acte qui en constate le dépôt au rang des minutes d'un notaire.

Le premier alinéa n'est pas applicable aux formalités de publicité foncière des assignations en justice, des commandements valant saisie, des différents actes de procédure qui s'y rattachent et des jugements d'adjudication, des documents portant limitation administrative au droit de propriété ou portant servitude administrative, des procès-verbaux établis par le service du cadastre, des documents d'arpentage établis par un géomètre et des modifications provenant de décisions administratives ou d'évènements naturel. "

L'objectif initial poursuivi par le gouvernement était d'inscrire à droit constant dans la loi la compétence propre des notaires en matière de publicité foncière, telle qu'elle résulte du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 et du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955.

Mais, la rédaction définitive retenue à l'issue des débats parlementaires a modifié les règles existantes régissant la publicité foncière en restreignant la liste des actes authentiques et des décisions de justice pouvant donner lieu aux formalités de publicité foncière.

Par application des principes généraux du droit, les dispositions législatives et réglementaires anciennes régissant la matière et notamment certaines de celles contenues dans les décrets des 04/01/1955 et 14/10/1955 précités, se trouvent implicitement abrogées, par la loi nouvelle, dans la limite de leur incompatibilité avec le texte nouveau.

Comme cette loi, qui concerne pourtant les actes et décisions déposés à compter du 30 mars 2011, ne s'est pas accompagnée d'un décret d'application précisant les conditions de sa mise en œuvre, les conservateurs sont invités à appliquer les principes suivants.

I - Présentation des dispositions de l'article 710-1 du code civil : forme des actes pouvant être publiés

1) Les principes généraux :

L'article 710-1 du code précité pose pour principe général dans son alinéa premier, que seuls les actes authentiques reçus par un notaire exerçant en France, les décisions juridictionnelles et les actes authentiques émanant des autorités administratives peuvent être publiés au fichier immobilier.

Il exclut ensuite expressément de la formalité de publicité foncière les actes sous seing privé déposés au rang des minutes d'un notaire et précise qu'il en est ainsi même en cas de reconnaissance d'écriture et de signature (cf. article 710-1, 2ème alinéa).

La possibilité offerte par l'article 68 du décret du 14/10/1955, qui présumait remplie la condition d'authenticité exigée de l'article 4 du décret du 04/01/1955 pour les actes de l'espèce se trouve donc explicitement rapportée.

Ce nouveau dispositif qui s'applique pour tous les actes déposés à compter du 30 mars 2011, comporte toutefois des exceptions à ces principes

2) Les exceptions prévues

21- Actes sous seing privé déposés au rang des minutes d'un notaire, pour lesquels la publicité est admise (article 710-1, 2ème alinéa)

Le second alinéa de l'article 710-1 du code civil prévoit expressément que les actes sous seing privé suivants peuvent faire l'objet d'une publication au fichier immobilier à la condition qu'ils soient annexés à un acte constatant leur dépôt au rang des minutes d'un notaire. Il s'agit :
- des procès-verbaux d'assemblées générales préalables ou consécutifs à l'apport de biens ou droits immobiliers à une société ou par une société ;
- des procès-verbaux de bornage.
En l'occurrence, aucune reconnaissance d'écriture et de signature n'est exigée.

22- 1 Actes divers pour lesquels il est dérogé à la règle de l'authenticité obligatoire (article 710-1, 3ème alinéa)

Le texte désigne de manière limitative :
- les assignations en justice ;
- les actes relatifs à la saisie immobilière (commandements valant saisie, actes de procédure s'y rattachant, jugements d'adjudication) ;
- les limitations administratives au droit de propriété et les servitudes administratives ;
- les documents à finalité cadastrale (PV du cadastre, documents d'arpentages établis par un géomètre et modifications provenant de décisions administratives ou d'événements naturels).
Ces appellations génériques recouvrent de fait un certain nombre d'actes et de documents figurant déjà, de manière plus détaillée dans le décret du 14/10/1955 et notamment les actes introductifs d'instance visés à l'article 68-1, les actes et jugements visés à l'article 35 et les cas énumérés à l'article 73. Dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les dispositions de l'article 710-1 du code civil, mais s'y inscrivent, les précisions données par ces textes demeurent d'actualité.

II - Traitement des décisions judiciaires et des actes présentés à la conservation

1 Les décisions prises par les juridictions
Le premier alinéa de l'article 710-1 du code civil vise uniquement les décisions juridictionnelles.

Seules présentent un caractère " juridictionnel ", les décisions judiciaires qui tranchent un point de droit relatif à un contentieux portant sur un immeuble ou un droit immobilier.
Dès lors, les décisions judiciaires qui se limitent notamment à donner acte aux parties de l'accord qu'elles ont passé entre elles ne peuvent faire l'objet d'une publication au fichier immobilier.

Pour autant, les conservateurs n'étant pas juges au fond des actes qui leur sont présentés, ils n'ont pas, en principe, à apprécier le caractère juridictionnel ou non d'une décision de justice.

Il leur est donc recommandé de ne refuser, au visa de l'article 710-1 du Code civil, que les jugements dont le caractère non juridictionnel apparait incontestable

Il en sera ainsi par exemple des jugements homologuant simplement des transactions constatées par acte sous seing privé en application de l'article 1441-4 du code de procédure civile, qui sont expressément cités dans les travaux parlementaires (en ce sens : rapport n°131 du sénateur Béteille 24 nov. 2010 p.48 et compte rendu des débats au Sénat).

11- Cas particuliers des jugements d'homologation en cas de divorce ou de changement de régime matrimonial

Dans la mesure où ils homologuent une convention notariée de règlement des conséquences patrimoniales d'un divorce ou d'un changement de régime matrimonial, ces jugements sont publiables au fichier immobilier à l'appui de la convention qu'ils homologuent.

12- Cas des décisions rendues par des tribunaux étrangers.

Le texte de l'article 710-1 n'opère aucune distinction entre les décisions rendues par les juridictions françaises et celles rendues par les juridictions étrangères.

Ainsi, à l'égard de ces dernières, les remarques formulées précédemment concernant l'appréciation de leur caractère juridictionnel et notamment les recommandations de prudence faites au conservateur lors de cette appréciation ne peuvent qu'être réaffirmées.

S'agissant des modalités pratiques gouvernant la publication de ces jugements, il faut insister sur le fait que la loi du 28/03/2011 n'a pas abrogé les décrets de 1955, et que toutes leurs dispositions n'y apparaissant pas contraires demeurent applicables.

Il en est ainsi des dispositions de l'article 4. 3ème alinéa du décret du 04/01/1955 en tant qu'elles concernent les conditions de publication des décisions de justice étrangères.

Ainsi, dès lors notamment, qu'elles ne constituent pas des actes sous seing privé, elles ne sont pas visées par l'alinéa 2 de l'article 710-1 du Code civil et leur publication pourra continuer de s'effectuer au moyen du dépôt au rang des minutes d'un notaire exerçant en France.

2 Actes déposés à la conservation

21- Les traités de fusion

L'exclusion de la formalité de publicité foncière des actes sous seing privé déposés au rang des minutes d'un notaire, même s'il a été procédé à la reconnaissance d'écriture et de signature, conduirait en droit strict à ne plus accepter la publication des traités de fusion.

Cela étant, un traité de fusion non approuvé par une assemblée générale consécutive à l'apport des biens qu'il constate est, faute de consentement des parties dépourvu de valeur juridique.
Inversement, une délibération d'assemblée générale consécutive à une opération d'apport ou de fusion ne peut être publiée que si les stipulations du traité d'apport ou de fusion portant transmission des immeubles le sont également.

Aussi doit-on considérer que les dispositions de la 2ème phase du 2ème alinéa de l'article 710-1 du code civil permettent la publication au fichier immobilier des actes de dépôt au rang des minutes des notaires de l'ensemble formé par les procès-verbaux d'assemblée générale consécutifs aux opérations d'apport et des traités de fusion ou d'apport que la dite assemblée a approuvés ou, à tout le moins, d'extraits du traité de fusion décrivant l'immeuble, l'identification des parties et l'effet relatif.

22- Les règlements de copropriété

L'article 85 du décret du 14/10/1955 prévoyait que " lorsque le procès-verbal des délibérations de l'assemblée des copropriétaires prises conformément à l'article 9 de la loi modifiée du 28 juin 1938 pour compléter ou modifier le règlement de copropriété n'a pas été dressé en la forme authentique, une copie ou un extrait de ce procès-verbal, certifié par le représentant de la collectivité des copropriétaires, est déposé au rang des minutes du notaire détenteur de la minute du règlement de copropriété qui en assure la publication ".

Compte tenu des dispositions de l'article 710-1 alinéa 2 du code civil, il a lieu de considérer cette possibilité comme abrogée. Les procès-verbaux concernés devront donc désormais toujours être réitérés en la forme authentique pour pouvoir être publiés au fichier immobilier.

23 Les EDD, les baux de plus de douze ans, les documents relatifs aux lotissements et les promesses de vente

Ces actes sont souvent rédigés sous-seing privé. Afin d'être publiés au fichier immobilier, ils étaient, jusqu'à présent, déposés au rang des minutes d'un notaire et faisaient l'objet d'une reconnaissance d'écriture et de signature (" dépôt-reconnaissance ").

Compte tenu des dispositions de l'article 710-1 alinéa 2, de tels dépôts ne peuvent plus être acceptés au fichier immobilier en raison de la restriction apportée à la liste des actes authentiques publiables.

Cela étant, aucune disposition de l'article 71 du 14 octobre 1955 n'impose la signature des parties. Aussi est-il loisible au notaire d'établir un EDD sous forme d'attestation signée par ses soins et sous sa responsabilité. Le conservateur ne pourrait donc opposer aucun refus du dépôt d'un tel acte.

D'autre part, il est précisé que, l'arrêté du maire portant autorisation d'aménager est un acte administratif. Les pièces et documents administratifs qui y sont annexés (plans et règlement de lotissement) acquièrent une nature réglementaire (CE avis du 5 juillet 1991 n° 124072) et sont donc publiables.

En revanche, le cahier des charges de lotissement ne peut plus être publié que s'il est établi en la forme authentique, ce qui justifie la réitération de l'intégralité de son contenu dans un acte notarié.

24- Actes reçus par les officiers publics ou ministériels étrangers

Les termes précis de l'alinéa 1 de l'article 710-1 : " tout acte ou droit ….doit résulter d'un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France " rendent en droit strict en principe caduques les modalités pratiques de dépôt de tels actes prévues à l'article 4 alinéa 3 du décret 55-22 qui en permettaient la publication (après dépôt au rang des minutes d'un notaire, ou lorsqu'ils avaient été rendus exécutoires en France.)

Cela étant, ce texte peut interférer avec les dispositions des règlements communautaires et des traités.
En l'état actuel des réflexions, sur la compatibilité des nouvelles dispositions avec les engagements internationaux de la France, il est conseillé aux collègues de s'en tenir aux principes suivants :

Pour les actes relevant d'un règlement communautaire, lorsqu'ils auront été rendus exécutoires en France au moyen d'une requête présentée devant le Président de la Chambre des notaires, à l'issue de laquelle le certificat visé à l'article 57 du règlement CE n°44/2001 du 22/12/2000, attestant de son caractère exécutoire et de son authenticité aura été établi, il conviendra de ne pas relever de cause de refus.

Pour les actes (au demeurant peu nombreux) ne relevant pas de ce règlement et émanant de pays étrangers, il est recommandé aux conservateurs de saisir pour avis la commission juridique si des actes établis par des officiers ministériels étrangers venaient à être déposés sans avoir fait l'objet d'une réitération par un notaire établi en France.

III- Documents visés à l'article 28 9° du décret du 4 janvier 1955 concernant les changements de nom, désignation ou forme des sociétés.
Les conditions de publication de ces documents restent définies à l'article 70 du décret du 14/10/1955 qui indique que la publicité est assurée par " le dépôt de deux expéditions, extraits littéraux ou copies certifiées conforme par un officier public ou ministériel ou une autorité administrative des pièces justificatives du changement " et donne une liste non limitative des pièces qui " peuvent être " admises. Parmi celles ci, pour les personnes morales autres que les sociétés commerciales et les associations, figurent au même niveau " les actes authentiques ou sous seing privé constatant le changement ".
Ces documents qui ne sont pas constitutifs de droits immobiliers sont en effet publiés comme simple pièces justificatives d'état civil, ce qui explique que parmi les actes admis comme constituant la justification demandée, le texte ne distingue pas les actes authentiques des actes sous seing privé et n'exige donc pas le dépôt de ces derniers au rang des minutes d'un notaire.
L'article 710-1 nouveau du Code civil ne remet donc pas en cause le régime spécifique édicté pour publier les simples modifications d'état civil. Ni l'exposé des motifs de la loi, ni les débats parlementaires ne le laissent d'ailleurs supposer. Il faut donc considérer que les règles fixées à l'article 70 du décret précité continuent de s'appliquer et qu'un acte sous seing privé pourra toujours être présenté par un requérant (notaire ou non) pour justifier d'un changement de dénomination ou de siège de société non commerciale.
Pour autant, cette interprétation n'est recevable que si les modifications de dénomination, forme ou siège ne contiennent pas des dispositions admises à publicité foncière à un autre titre notamment parce qu'un changement de forme entraîne création d'un être moral nouveau.
Dans ce cas, la présentation d'un acte authentique reçu par un notaire français sera exigée. La ligne de partage définie à cet égard dans l'instruction du 20/09/1974 (BO DGI 10 E-3-74) demeure donc d'actualité.
Au demeurant, l'obligation actuelle de s'immatriculer faite à toutes les sociétés (commerciales ou non) devrait rendre rare la publication des changements d'identité des sociétés sur présentation d'un acte sous seing privé. En effet, cette obligation place maintenant toutes les sociétés immatriculées sur le même plan au regard des pièces pouvant être admises pour justifier de leurs changement d'identité siège ou forme, et toutes peuvent faire publier ces modifications sur simple production d'un K bis délivré par le greffe du tribunal de commerce.